Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
DRAMES HISTORIQUES.

celle qui entre d’abord en l’esprit par la fantaisie, et qui prolonge, dilate, exalte la personnalité. Walter Scott ne l’exalte pas, mais il la flatte par les yeux, il l’installe dans les coutumes, les costumes, les mobiliers, la vie pittoresque et familière des grands et des humbles d’autrefois. C’était beaucoup pour le théâtre. J’ai fait voir Pixérécourt s’engageant sur ces traces et Dumas s’y élançant à corps perdu.

Mais il recueillit la flamme dramatique d’un foyer bien français, pétillant et jaillissant, dont il s’est inspiré plus que de Shakespeare, plus que de Scott, plus que de Schiller même : c’est le monologue de Figaro[1]. Là est pour lui la source de vie ; de là découlent ses drames historiques et autres. C’est l’âme de son théâtre. Et c’est la preuve incontestable de son génie.

La passion qu’apporte Figaro dans ses jugements sur les hommes et les choses n’était pas pour inspirer aux dramatistes beaucoup de scrupules à l’égard de l’histoire. Mais enfin, c’est la passion, la passion populaire, brûlante, sinon déjà libre, qui émane de la comédie de la veille et qui attise le drame du lendemain. J’ai peur que la critique littéraire n’y prenne plus assez garde. On se laisse séduire à la beauté logique d’un enchaînement naturel ; on accorde à la Brouette du vinaigrier ou à Pinto, vague essai ou bien ouvrage de seconde main et de transition, une importance que peut-être n’ont-ils point. En matière de théâtre, c’est l’œuvre exécutée qui compte. L’œuvre féconde, mécanisme du vaudeville, âme du drame, dont Dumas a reçu l’impulsion et la technique, je ne la puis voir ailleurs que dans le Mariage de Figaro ; — et, tout proche du dénoûment, comme un pont jeté sur l’avenir, j’aperçois le monologue, ce long monologue essentiel.

  1. Le Mariage de Figaro, V, sc. iii.