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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/24

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

chez lui comme un double trait du caractère : Porthos et Aramis. Mais Porthos l’emporte. Il est le type de ses enthousiasmes et de sa vanité, de ses heureuses audaces et de ses plus énormes fanfaronnades. Pendant onze volumes d’exploits et de feuilletons quotidiens, Porthos le ravit et l’étonné, à pied, à cheval, debout, assis, dans le silence, dans le sommeil. — « … À ses muscles tendus et sculptés en saillie sur sa face, à ses cheveux collés de sueur, aux énergiques soulèvements de son menton et de ses épaules on ne pouvait refuser une certaine admiration : la force poussée à ce point, c’est presque de la divinité[1]. » Lorsque Kean retroussera ses manches, il aura vraiment du génie. On conte[2] que Dumas avait les larmes aux yeux, quand il dut enfin tuer Porthos, et qu’il ne pouvait prendre son parti d’anéantir sous le rocher insensible tant de vigueur unie à tant d’héroïsme serein.

Étant Porthos, il ne saurait être Octave. Sur cet enfant du sexe masculin le mal du siècle n’avait pas la même prise que sur Alfred de Musset. La force incline à l’action, et non à l’analyse. Les héros d’Homère ne sont point subtils ; ils se dégourdissent l’âme et secouent la mélancolie à grands coups de javelot. Dumas aussi possède en bien propre un fonds de santé, qui aura ses exigences, et gênera singulièrement le goût qu’il croit se sentir en 1830 pour la littérature saxonne, pour la tristesse des Werther et des Manfred. Il est foncièrement gai, d’une gaîté épanouie et pas du tout satanique[3]. La désolation lui sera d’abord un

  1. Le vicomte de Bragelonne, t. II, ch. xxvi, p. 194.
  2. Blaze de Bury, Alexandre Dumas, sa vie, son temps, son oeuvre, ch. xxi, p. 283.
  3. « On est gai, parce que l’on se porte bien, parce qu’on a un bon estomac, parce qu’on n’a pas de motifs de chagrin. Cela,