Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

Sa vie entière, il Ta livrée en proie à son imagination. Ses pires erreurs, fanfaronnades, escapades, gasconnades et pareillement ses audaces les plus originales et ses œuvres les plus hardies ne s’expliquent pas autrement. Écolier aux mains de l’abbé Grégoire ou de l’abbé Fortier, dernier clerc chez Me Mennesson, expéditionnaire dans les bureaux du duc d’Orléans, il étouffe sous la discipline scolaire ou la hiérarchie administrative. L’impossible le tente ; le magnétisme le trouble[1] ; les gageures l’attirent. Il ne doute de rien, ni surtout de lui-même. Pendant la Révolution de 1830, il s’échappe dans la rue, parade devant sa batterie, se pavane en face des pièces ennemies[2] ; il lui faut un coup de canon pour lui tout seul. Cela est mieux ainsi dans sa fantaisie. Il croit que c’est arrivé, il se réjouit de le croire. Il raconte la prise de la poudrière de Soissons enlevée par Dumas fils de Dumas[3]. C’est son pont de Clausen. Ne vous avisez pas de mettre en doute cet exploit ; il a des pièces à l’appui de sa foi, qui est réelle. Il n’aime point Bonaparte ; mais tout de même Napoléon se dresse dans son imagination et agit fortement sur elle. Dumas n’a pas conquis l’Europe, non ; mais il l’a parcourue, dévorée, contée, inventée. Au Caucase il s’est arrêté[4] ; il était temps : l’Asie, pour un peu plus,

  1. Lettre inédite à Mélanie W. (Voir plus bas, pp. 287 sqq.) Cachet postal 18 septembre 1827. «… J’ai ta confiance, j’ai tes aveux ; et toi aussi, tu es un être à part qui ne peut changer…et puis, nai-je pas le magnétisme pour te ramener à moi ? »
  2. Mes mémoires, t. VI. ch. cl, p. 151.
  3. Voir Gabriel Ferry, Les dernières années d’Alexandre Dumas, 1864-1870, ch. i, pp. 3-7.
  4. Voir Gabriel Ferry, Les dernières années d’Alexandre Dumas, 1864-1870, ch. i, pp. 3-7.