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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/301

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ANTONY.

pris sur le vif de la société et de l’imagination françaises en 1830.

Le monologue du barbier a retenti dans tout ce théâtre. L’individu s’est dressé devant le passé : de là le drame historique. Et debout, il juge et défie le monde nouveau : de là Antony. Le « tandis que moi, morbleu ! » est inscrit en toutes lettres, à toutes les scènes. Le cri douloureux : « Femme, femme, femme ! » y éclate à toutes les situations critiques, avec acharnement. Anonyme Figaro, Antony le Bâtard, sont pareillement fils du hasard, ce dieu des sociétés bouleversées. Mais le dernier venu est autrement âpre en ses convoitises et hautain dans ses revendications. C’est le départ de l’homme d’action, à la conquête du siècle. Le drame moderne se met en marche avec lui. Que sert de recourir à La Chaussée ou à Mercier, quand on a les modèles en pied : Figaro et son successeur immédiat, Napoléon ? Déjà l’on voit que la qualité d’Antony n’est pas tant dans les réminiscences lyriques et exotiques ; c’est le théâtre français qui reprend son développement, à la suite de l’individualisme triomphant et de la France rajeunie. Si la scène des enfants trouvés est un écho du Mariage de Figaro, celle du hasard appartient à la légende napoléonienne, qui ouvre l’ère attendue. Antony et Buridan sont frères.

Au vrai, Dumas a deviné que la Révolution renouvela toute la matière des dramaturges, et que, si l’individu était profondément modifié, le rôle de l’amour et de la femme en était singulièrement atteint. Je ne dis pas qu’il l’ait vu si clairement ; mais il l’a mis en scène, et cela nous suffit. Il s’est aperçu — son propre tempérament l’y aidait sans doute — que les « immortels principes », justifiant toutes les ambitions, déchaînaient du même coup tous les appétits, et que