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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/319

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ANTONY.

mépris en regardant chaque homme, à qui l’on dit tout bas : « Tu ne peux rien sur nous !» Il y a là dedans quelque chose de la sérénité et du pouvoir de Dieu, oui, de Dieu ; car je ne suis pas athée, quoique tu en dises[1] »… Et, en effet, la tirade est dans le mouvement du théâtre.

Cette jalousie même, dont il fait grand bruit (la sienne ; car j’ai dit que celle de Mélanie le fatigue bientôt) semble toute prête pour la scène.

Oui, je voudrais qu’aucun ne vous trouvât aimable,
Que vous fussiez réduite en un sort misérable,
Que le ciel, en naissant, ne vous eût donné rien,
Que vous n’eussiez ni rang, ni naissance, ni bien[2]

Ainsi parle Alceste ; et voici le couplet dont Alexandre régale Mélanie. « Deux heures. … Ah ! que je voudrais te voir sans fortune, sans famille, abandonnée de tout le monde, pour te tenir lieu de monde, de famille et de fortune, pour être tout pour toi, comme tu serais tout pour moi, et pour pouvoir vivre ou mourir librement, sans éveiller un sourire ou faire répandre une larme, pour vivre au milieu de la société, étranger à elle comme elle serait étrangère à nous ; mais tout cela est un rêve, un songe, une vision[3]. » Tout

  1. Lettres inédites. Il rencontre d’assez jolies choses. « Il y a un certain plaisir à être heureux d’un coup d’œil, d’un regard au milieu d’indifférents. Ce sont deux personnes qui auraient trouvé moyen d’allumer du feu dans une carrière de neige, et jouiraient, au milieu du froid, d’une température douce. » Il a même des mots. « Encore une distraction, cher amour… Tu ne m’as pas remis ta lettre, et j’ai été obligé de me coucher veuf. »
  2. Le Misanthrope, IV, sc. iii.
  3. Lettres inédites. Cf. Antony, V, sc. iii, p. 222. « … Si un cœur dévoué, si une existence d’homme tout entière que je jette à tes pieds… te suffisent, dis oui… Je t’arrache à ta famille, à ta patrie… Eh bien, je serai pour toi et famille et patrie… En changeant de nom. nul ne saura qui nous sommes pendant