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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/320

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LE DRAME d’ALEXANDRE DUMAS.

cela est imagination pure, et jeu d’esprit à la mode, dont il fait l’expérience sur Adèle, quasi femme de lettres, et qu’il jettera vivement sur le théâtre, l’épreuve à huis clos ayant réussi. On s’assurera sans peine qu’Antony redit à peu près les mêmes choses, et que Dumas ne gaspille point ses effets. Et puis, l’on ne s’étonnera pas trop que la baronne d’Ange dans le Demi-Monde tienne à peu près les mêmes propos à M. de Nanjac[1]. Elle est de la famille.

Il va sans dire que l’amour d’Alexandre s’exalte par l’écriture épistolaire jusqu’à la folie et au crime. Ne craignez rien : Dumas ni ne saurait vivre en un désert ni n’affronterait l’échafaud pour une femme trop maigre et d’humeur chagrine. Mais l’imagination fait rage sur le papier. Voici venir de loin la scène du hasard, de la fatalité, des préjugés. L’orage est dans sa tête ; il éclate en ses lettres à propos de tout et de rien. « Deux heures… Moi raisonnable !… Oh ! non ! Je suis fou, insensé, délirant. Et, quand nous sommes ensemble devant ta mère, il me prend des moments de rage, où je voudrais te serrer dans mes bras… et dire : « Elle était à moi, avant quelle ne me connût… » Oh ! non, tu te trompais : jamais mon amour, à moi, n’a été doux, paisible, et je ne comptais tant sur son influence, que parce qu’il me semblait aussi impossible que tu y résistasses qu’il est impossible au bois de ne pas être brûlé par le feu[2] » … Après le délire, la fatalité. « … Ne m’as-tu pas dit que tu croyais à la fatalité ? Ce mot me rappelle

    notre vie, nul ne saura qui nous avons été, après notre mort. Nous vivrons isolés, tu seras mon bien, mon Dieu, ma vie… Viens, viens, et nous oublierons les autres pour ne nous souvenir que de nous. »

  1. Le Demi-Monde, II, sc. iii, p. 80.
  2. Lettres inédites. Cf. Henri III et sa Cour, I, sc. v, p. 134. Saint-Mégrin à la duchesse de Guise : « Ah ! madame, on n’aime pas comme j’aime pour ne pas être aimé ».