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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/331

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ANTONY.

Mais Antony y faisait d’affilée sa confession générale à son Adèle. D’une phrase il en épuisait l’intérêt.

« Adèle. — Vous avez désiré me voir, avant de quitter cet hôtel ; vous connaissez les motifs qui m’empêchaient de recevoir M. Antony. Vous avez insisté, et je n’ai pas cru pouvoir refuser une si légère faveur à l’homme sans lequel peut-être je n’aurais jamais revu ma fille ni mon mari.

Antony. — Oui, madame, je sais que c’est pour eux seuls que je vous ai conservée. Je sais tous les devoirs que prescrivent les lois de ce monde, au milieu duquel vous vivez. Ses préjugés me coûtent assez pour que je les respecte. (Adèle lui fait signe de s’asseoir.) Merci. Je ne discuterai pas pour savoir si nous avons tort ou raison de nous en affranchir ; seulement, il me semble qu’un homme, jeté par sa position en dehors de la société, peut, en renonçant aux avantages qu’elle accorde aux autres hommes, se refuser aux devoirs qu’elle leur impose… Pardon… C’est une opinion erronée peut-être… J’étais venu pour vous parler de vous et je vous parle de moi… et peut-être ne devrais-je vous parler ni de l’un ni de l’autre.

Adèle. — Je crois que vous auriez raison[1]… »

Il éclaircissait d’un seul coup toutes les énigmes de sa vie et de son cœur, si adroitement dévoilées dans la pièce. Dans un autre couplet il épuisait toute l’émotion, dont l’auteur a tiré plus tard la scène V. « J’oubliais tout, près de vous… Un homme vint, et me fit souvenir de tout[2]… » Au lieu de regarder la société en face, d’engager la lutte contre les opinions et les préjugés, Dumas, qui avait atteint d’emblée le paroxysme de la passion dans cette scène d’aveux, terminait sur une

  1. Manuscrit original, II, p. 13.
  2. Antony, II, sc. v, p. 186