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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/332

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LE DRAME d’ALEXANDRE DUMAS.

déclamation violente et banale d’Antony contre sa mère, sa patrie, la religion et tout ce qu’on révère, dont nous avons vu que Mélanie avait eu la primeur.

« Les autres hommes du moins… etc… moi je n’ai même pas la pierre d’un tombeau… etc… etc… Oh ! si ma mère, quelle qu’elle fût, avait pu savoir, à l’heure de ma naissance, ce que souffrirait un jour le pauvre enfant qu’elle abandonnait… elle aurait bien mieux fait de lui briser le front contre la muraille. Que Dieu lui pardonne de ne pas l’avoir fait, car moi, Je ne le lui pardonnerai pas », — « Oh ! vous blasphémez ! » — « Les autres hommes ont une patrie… etc… etc… Dans le monde entier je n’ai qu’un point vers lequel mes yeux se tournent, vers lequel mon cœur vole… c’est celui où vous êtes, et c’est là qu’il m’est défendu de venir… Ma patrie, à moi, serait la terre habitée par vous, l’air qui vous environnerait. Pour moi toutes les félicités du ciel seraient là, et vous me défendez de fouler le même sol, de respirer le même air, oh ! c’est affreux ! » — « Ami, il est un meilleur monde… Là ceux qui se seront aimés, que la terre aura séparés, seront réunis au ciel ! » — « Oh ! si mon âme croyait ! Si l’éternité m’offrait un espoir, combien vite j’irais t’y attendre… Mais le doute… Oh ! c’est encore un supplice inconnu pour toi !… Combien de fois, quand, tout un jour, j’avais combattu par les fatigues du corps les tortures de l’âme, je suis entré dans une église, et là, le front sur le marbre, j’ai demandé à Dieu, avec les gémissements de mon cœur, la révélation de cet autre monde ! Combien de fois, la nuit, seul, debout sur un tombeau comme un spectre, ai-je interrogé la mort sur le grand secret ; tout était muet^ et moi, alors, je me roulais sur cette pierre comme un insensé, en criant : « Je n ai pas d’autre famille, d’autre patrie, d’autre Dieu, d’autre éternité qu’elle, elle que je ne puis ni revoir ni posséder. Malédiction ! » — « Oh ! le malheureux qui ne