Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
338
LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

grands hommes. De ces âmes sonores il est un écho populaire. La jeune France volcanique et incandescente[1], échauffée des mêmes réminiscences, en pensa délirer. On ne s’étonne point qu’elle se soit arraché les lambeaux de l’habit vert de Dumas[2]. Saintes reliques ! Loi du talion ! Ainsi fut partagé le pourpoint d’Hamlet par Schiller, Gœthe, Byron qu’on admirait avec enthousiasme, sans trop approfondir. Dumas n’approfondit pas davantage. Il invoque le ciel et Satan, malgré le doute qui le dévore. Il se fait un vocabulaire et un formulaire d’énergumène. « Honte au lieu de sang[3] ! » Et ces vulgaires adaptations vont aux nues. Il faut se délier de ces succès explosifs, à mitraille. Pendant quelque temps encore, ses personnages les plus vigoureux seront en proie à ces accès du mal littéraire saxon. Passe pour Catherine Howard ; mais Buridan, le capitaine Buridan n’en est pas indemne[4] !

La popularité d’Antony n’aurait point dépassé les cénacles, s’il n’avait été qu’un composé du lyrisme étranger. Il est proprement le Figaro de 1830 : et c’est une autre affaire. L’imagination de Dumas lui a, cette fois, tenu lieu d’observation. Il a deviné, en lui-même premièrement, et aussi dans l’atmosphère où il vivait, l’individu qui s’évertue dans ce xixe siècle siècle débutant ; il a créé le type de l’action, musclé, phraseur, ivre de mots, avide de jouir, impatient des obstacles, des traditions et des conventions, à qui toute supériorité porte ombrage, et déjà mécontent de tout en cet état social

  1. Voir Théophile Gautier, Histoire du romantisme, pp. 167-168.
  2. Mes mémoires, t. VIII, ch. cxcix, p. 114.
  3. Antony, IV, sc. vi, p. 212.
  4. Catherine Howard, III, tabl. v. sc. i, p. 275 : « Qui viendra maintenant me parler de crime et de vertu ? À moi que la fièvre dévore, à moi qui vais où le tourbillon m’entraîne, où Dieu veut que j’aille, poussée par un souffle invisible, comme la poussière de la terre, comme le nuage du ciel ?… »