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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/365

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LES SUITES D’« ANTONY ».

quelle sûreté d’exécution ! Quelle dramatique composition ! Sachons enfin reconnaître cet art tout français de bouleverser le théâtre d’un mot, de suspendre l’intérêt, de mettre le feu aux poudres, et de courir à l’acte ou au tableau suivant comme à l’incendie qui éclate ! Il faut voir cet adroit maniement du réalisme sur la scène, je dis le réalisme le plus moderne et vivant. Au moment où l’invention s’égare dans le fantastique de Pixérécourt, où Richard vient de s’entretenir avec l’Inconnu, où il va être premier ministre, duc et pair et mari d’une da Silva, que sais-je ? — un subalterne à lui arrive, qui interrompt son monologue triomphal, glorieux retour sur lui-même… « Mawbray est revenu de Londres. » — « Eh ! que m’importe ? » — « Il amène votre femme. » — « Jenny ! » — « Elle vous attend à l’hôtel ! » — « J’avais tout oublié ! Malédiction[1] ! » Saluons un tel homme de théâtre ! Et cette vigueur de main ! Et cette logique intérieure et scénique qui se dissimule sous les écarts de la fantaisie ! Tout le drame réel reparaît à ces mots, accablant. Et puis, je ne sais qu’un dramatiste de ce siècle qui ait atteint à cette maîtrise : on en trouvera quelques exemples dans le Fils naturel, le Demi-monde, Denise et ailleurs.

Le troisième acte même, qu’il semblait qu’aucune habileté humaine ne pouvait dénouer, est un mélange d’imagination et de vérité, de scènes mélodramatiques enlevées à bride abattue et d’autres aussi pathétiques et plus vraies. Dans l’entrevue de Lady Wilmor avec son fils si l’on trouve de l’émotion et du mystère à la façon de Cœlina, — on y rencontre aussi comme le germe du Fils naturel[2]. Et, s’il est vrai qu’il faut

  1. Richard Darlington, II, tabl. v, sc. vii, pp. 102
  2. Richard Darlington, III, tabl. vi, sc. iv, pp. 105 sqq. Cf. Cœlina ou l’enfant du Mystère, et Polder ou le bourreau d’Ams-