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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/367

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LES SUITES D’« ANTONY ».

Voilà le milieu d’origine. Au reste, peu d’imagination : le trait est à noter, quand il s’agit d’un héros de Dumas. L’instinct de la vérité moderne plie à son gré le propre tempérament du dramaturge. Richard imagine peu, rêve moins encore. À peine une chaleur de tête lui monte, quand il touche à l’apogée. Mais c’est l’affaire d’un instant ; et encore, ce monologue haletant et court n’est-il qu’un souvenir du péan lyrique de Fiesque. J’ai dit que celui-ci avait inspiré Dumas dans la peinture de Richard[1]. Comparez l’altitude même des deux héros, et voyez combien Richard est plus moderne. Il parle peu, et sec. Il n’est ondoyant et souple qu’avec les femmes, comme Paul Astier, et seulement pour les amener à ses fins, je veux dire aux fins de son ambition. Il est un homme pressé parmi la vie, dans la fièvre du succès. Qu’il séduise une jeune iille, qu’il parle à la Chambre, ou renonce à la parole, il prend ses décisions et les exécute sans balancer. Et il sait ce qu’il veut. Fils de déclassé, déclassé lui-même, d’un orgueil infini, il prétend à être député, parce que c’est le premier échelon. « Richard député ? » — « Pourquoi pas ?» — « Et depuis quand as-tu eu cette idée ?» — « Depuis que je pense[2]. » Au surplus, homme de génie ; ils le sont tous : c’est un prix fait ; homme à poigne ; n’oublions pas qu’Antony arrête les chevaux emportés ; et très décidé à mettre l’une au service de l’autre pour frapper de grands coups. M. Poirier, qui, lui aussi, s’écrie fixant son objet : « Encore un d’arrivé !  » serait encore un peu Restauration, et répugnerait sans doute à relever ses manches. Mais Paul Astier retroussera volontiers les siennes ; et avant lui, M. Frédéric-Thomas Graindorge, représentant de la

  1. Voir plus haut, p. 105.
  2. Richard Darlington, I, tabl. i, sc. i, p. 25.