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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/37

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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

naturel. Il sait caractériser les mœurs étrangères dans les diverses pièces qu’il représente, et nul acteur ne hasarde davantage de grands effets par des moyens plus simples. Il y a dans sa manière Shakespeare et Racine artistement combinés. Pourquoi les écrivains dramatiques n’essaieraient-ils pas de réunir dans leurs compositions ce que l’acteur a su si bien amalgamer par son jeu[1] ? »

À le voir, Dumas sentit frémir en lui, non pas l’âme d’Oreste ni de Macbeth, mais celle d’Antony et de Buridan. Les comédiens anglais, qui donnèrent des représentations à Paris en février 1827, lui imprimèrent une nouvelle secousse. Ce spectacle fut pour lui une révélation. Lorsqu’il écrit ses Mémoires, il en a gardé un tel frisson, que pour louer Shakespeare, il cite la Bible[2]. Sans doute il avait lu les principales pièces du dramatiste anglais ; il déclare même qu’il les savait « par cœur[3] », ce qui est une façon à lui de dire qu’il les avait lues. Et non pas toutes, mais les plus connues en France, les drames d’amour ou de passion : Hamlet, Roméo, Macbeth, Othello, Shylock, et probablement aussi Richard III, Jules César et sans doute enfin la Tempête. Et je crois bien que c’est tout. IL connaît Falstaff,peut-être de réputation. S’il a parcouru la série des Henri, elle a dû bien l’ennuyer. On n’en trouve pas trace dans son théâtre. Kemble et miss Smithson, puis Macready, Kean et Young lui ont été de vivantes intuitions de Shakespeare, ou plutôt des œuvres que j’ai dites, des tragédies passionnées plutôt que des drames historiques. Hamlet surtout l’a bouleversé. Il le traduira plus tard avec M. Paul Meurice : aucune de ses impressions vives

  1. De l’Allemagne, t. II, ch. xxvii, p. 286.
  2. Mes mémoires, t. IV, ch. cix, pp. 279-280. Cf. J. Janin, Histoire de la littérature dramatique, t. VI, § xii, pp. 341-342. (Édit. Michel Lévy.)
  3. Mes mémoires, t. IV, ch. cix, pp. 279-280.