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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/36

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

littéraires. Il est ainsi plus près de la nature et du peuple. La fortune, après tout, n’était pas si mauvaise, à peine échappé du plein air et des forêts, de prendre contact avec l’âme de la foule, fût-ce au théâtre de l’Ambigu.

Enfin il vient à Paris. D’abord il voit Talma. Je ne parle pas de cette visite qu’il lit à l’artiste dans sa loge, ni de ce singulier baptême que lui conféra le tragédien ironique, au nom de Shakespeare, de Gœthe et de Schiller, de la Trinité Sainte[1]. Il voit Talma en scène ; il est étonné de ce jeu vrai et de cette diction admirable. Nous ne savons plus assez l’action qu’exerça cet artiste sur les hommes de son époque, auxquels il apparaissait, même en des rôles médiocres, comme une esthétique vivante, un commentaire original et fécond. Il modernisait son art par un souci de réalisme très étudié. « Lorsqu’il était sur le point de créer un rôle, aucune recherche, soit historique, soit archéologique, ne lui coûtait[2]. » Il passa son existence à jouer des tragédies, et il paraît bien qu’il avait le goût du drame. Il ne négligeait rien de ce qui pouvait rajeunir les œuvres fanées ou les situations vieillottes, qu’il était condamné à défendre. Il allait loin en ce sens. Séchan nous conte, et Dumas le confirme, que dans Sylla il s’était fait le visage de Napoléon[3]. Et Madame de Staël conclut à propos de ce talent chercheur et novateur : « Cet artiste donne, autant qu’il est possible, à la tragédie française ce qu’à tort ou à raison les Allemands lui reprochent de n’avoir pas, l’originalité et le

  1. Mes mémoires, t. III, ch. lxv, pp. 61-62.
  2. Mes mémoires, t. IV, ch. xciii, p. 75. À lire tout le chapitre, pp. 66-76.
  3. Ch. Séchan, Souvenirs d’un homme de théâtre (1831-1855), recueillis par Adolphe Badin, ch. iii, pp. 59-61. Cf. Mes mémoires, t. III, ch. lxvi, p. 56.