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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/387

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LES SUITES D’« ANTONY».

cette confidence[1]. » — Qui dénoue de ce ton avec une femme ? Le baron d’Estrigaud, le petit Fernand de Thauzette, ou, aussi souriant et plus féminin, M. Alphonse ? C’est Alfred d’Alvimar, le premier exemplaire.

À vingt et un ans, il a perdu son père et son patrimoine ; le « doute », comme on dit alors, lui est venu, c’est-à-dire un pressant besoin de se débrouiller. Il a délié Dieu et le monde, pour se conformer au protocole romantique, mais ce n’est plus qu’une « espèce de défi »[2], et cela signifie qu’il s’est décidé à tout faire pour se refaire. Il a songé à se suicider, ainsi qu’il sied ; il le dit du moins aux femmes qu’il attelle à sa fortune. Mais il a pris son parti de vivre ; et, comme il était galant, d’une tournure agréable, il a trouvé une carrière : l’amour. Il est diplomate, et le féminin le pousse. Pour réussir, il lui a suffi de ramener ses cheveux sur les tempes d’un certain tour de main, et d’infléchir la voix d’une certaine façon. La Révolution a changé le personnel des femmes à la cour et dans les ambassades : mais la femme n’a pas changé. Alfred est le type de l’amoureux moderne, presque achevé. Pas de mère, maître de son fonds trop tôt, fanfaron d’égoïsme[3], avec un sourire stéréotypé, un peu hautain, qui dompte les cœurs, et coule je ne sais quelle douce chaleur dans tout l’être des novices et de celles qui ne le sont plus. À lui et à ses successeurs la société a été dure, non pour leur avoir refusé leurs droits, mais à cause qu’elle a refréné leurs appétits par la concurrence. Alors, ils se sont intrigués auprès des bonnes petites idoles, à qui cette même société bourgeoise élevait dans le même temps des autels. Quel dommage

  1. Angèle, I, sc. ii, p. 108.
  2. Angèle, I, sc. ii, p. 105.
  3. Angèle, I, sc. iii, p. 109. « J’ai fait avee elle le fanfaron d’égoïsme ». Cf. V, sc. i, p. 190.