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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/410

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

leur sourire trahit la suprématie musculaire ; leur expérience pessimiste dénote un tempérament vigoureux qui s’exerça de bonne heure, avec moins de fracas qu’au IIIe acte d’Antony, mais avec moins de détours que dans le Demi-Monde et l’Ami des femmes. Il n’est pas jusqu’à leur science préventive qui ne révèle des cœurs sensibles, avides et déçus. Ils ont tous le foie un peu gros et le cœur trop tendre ; tous de Montègre, tous un peu taureaux en leur tréfonds. La voix du sang les émeut vivement, non pas celle de Zaïre. Si vous vous en tenez à leurs propos, raisons et analyses, qui ont remplacé le byronisme et le satanisme, il n’est sorte de dédain que ces jeunes hommes ne professent pour les folies amoureuses. Mais observez-les dans le drame et l’action. Si la jalousie les mord, ils sont pâles[1] ; ils tordent les poignets de la femme aimée sans plus de façons que le duc de Guise ou Richard Darlington ; Armand Duval, le correct de Nanjac lui-même se laissent aller à ces violences[2] : il leur arrive même de bousculer l’enfant[3], plus emportés qu’Antony même, qui l’adoptait pour jouir de la mère. Ils donnent l’assaut sans répit : c’est le scandale secret du ménage de Simerose. Cet air de supériorité que les plus forts affectent à l’égard de l’autre sexe, s’humanise alors qu’ils ont les sens en émoi ou le cœur pris.

Après avoir beaucoup discouru, Olivier épouse la jeune fille qu’il brusquait tout à l’heure[4]. Quant à de Ryons, lorsqu’il aura bien étonné les légères cervelles

  1. La Princesse Georges (Th., V), III, sc. v, p. 157 : « Le voilà qui rugit et qui écume, comme une bête sauvage… etc. »
  2. Le Demi-Monde, IV, sc. xii, p. 180.
  3. La Princesse de Bagdad (Th., VII), III, sc. iv, p. 82. Cf. Don Carlos, IV, sc. ix, p. 128, scène déjà citée, qui a servi de modèle à Dumas père pour Richard Darlington, III, tabl. iv, sc. iii, p. 91. Cf. les Idées de Madame Aubray, III, sc. v, p. 316.
  4. Le Demi-Monde, V, sc, v, p. 205.