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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/414

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

On raconte que Victor Hugo, vers la fin de sa vie, s’étonnait, comme d’une invraisemblance, d’être demeuré romantique. Par une invraisemblance plus singulière, à laquelle il faut pourtant se rendre, la logique intrépide, la dialectique cinglante de Dumas devaient aboutir à réveiller en lui le romantisme paternel, qu’il s’était plutôt efforcé d’éteindre. À compter des Idées de Madame Aubray, qui furent représentées le 16 mars 1867, l’année même où il commençait à publier ses préfaces, le fond du tempérament remonte à la surface, la chaleur et la fougue héréditaires, trop longtemps contenues, bouillonnent et font éclater la dialectique. Il fait des emprunts non voilés à Antony ; il s’inspire de Monte-Cristo ; il incline vers les pièces symboliques, où l’imagination paternelle se reprenait après 1840 ; il voisine avec le Comte Hermann, Conscience et Madame Chamblay. À mesure que ses desseins sont plus élevés, les passions qu’il met en œuvre sont plus fortes et les moyens plus violents. Le théâtre de son père revit dans ses pièces et y prend un autre tour. Le drame et le mélodrame se renouvellent et s’ennoblissent.

Il n’a jamais possédé cette fécondité créatrice des événements et péripéties. Son esprit raisonneur s’en serait difficilement accommodé. Mais sa fantaisie se repaît d’idées générales, qu’elle se plaît à faire vivre sur la scène. Il les pousse à bout, comme son père les situations, avec l’audace d’un Dumas qui ne recula jamais devant les dénoûments. Par un suprême effort, il s’élève jusqu’à une métaphysique théâtrale. Idéalisme et sensibilité, logique et moyens sont extrêmes. Les blasphèmes d’Antony revivent en ces abstraites effervescences. Ce n’est plus la même imagination ; mais tout de même c’est la même joie fougueuse d’imaginer. Jusqu’ici Dumas fils s’était contenté