Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
399
DUMAS PÈRE ET DUMAS FILS.

d’incarner en ses personnages, à la façon de Corneille, des notions très simples, que des passions et des sentiments d’ordre commun et des hommes à peu près semblables aux autres hommes, suffisaient à représenter aux yeux. Son idéal, à cette heure, est épuré.

La fantaisie y a plus de part. Il fait ses « excursions », quelquefois périlleuses au théâtre, « dans le royaume du rêve[1] ». Il met en scène la grâce de Dieu dans les Idées de Madame Aubray, la main de Dieu dans la Femme de Claude, la providence dans l’Étrangère, l’hérédité dans la Princesse de Bagdad. Sa métaphysique se complique de théories scientifiques. Il réconcilie sur la scène la religion et la science. Il « voudrait prendre l’immensité dans ses bras[2]». Il ne s’arrête à mi-chemin d’aucune conception humaine. Dans cette seconde partie de son œuvre (si j’excepte une Visite de noces et Francillon), il est de plus en plus le fils de son père. Même il est plus hardi, sinon plus impétueux. Il essaye de réaliser les conceptions les plus déliées. Il lui en coûte presque de prostituer par la bouche de personnages grimés et maquillés la quintessence de ses pensées. Le père, même quand il donnait dans le symbole ou les monologues chimico-physiologiques, mettait au-dessus de tout le reste la vie et l’émotion. Jamais il n’eût écrit ces lignes : « … L’auteur dramatique… se sent pris entre son idéal et son impuissance. Il comprend que ce n’est pas à la forme dont il s’est servi jusqu’à présent que l’humanité demandera jamais la solution des grands problèmes qui l’agitent, bien qu’il croie l’avoir trouvée pour lui-même[3]. » Ce n’est pas lui qui eût été enclin

  1. A. Dumas père, Causeries, t. I, p. 51.
  2. Les Idées de Madame Aubray, III, sc. i, p. 293.
  3. Préface de l’Étrangère (Th., VI), p. 211.