Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400
LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

à « tomber dans ces abstractions colorées qu’on reproche à la vieillesse de Gœthe, et dans ces obscurités énigmatiques que l’on prétend trouver dans les derniers quatuors de Beethowen[1] ». Dirai-je qu’il était plus dramaturge, ou plus timide ?

Peut-être était-il seulement plus riche d’invention. Pour objectiver ces idées, Dumas fils a recours à lui. Il revient au mouvement de la passion d’Antony et aux nobles angoisses du Comte Hermann[2]. J’ajoute qu’il y met partout sa marque d’observateur pénétrant et vrai, et qu’aux audaces paternelles il ajoute des créations inoubliables. Ce qui nous intéresse ici, c’est la part d’influence de Dumas père sur ces drames idéalistes et sociaux, et la poussée soudaine d’imagination sur un théâtre dont jusqu’ici l’imagination n’était pas le mérite souverain. Et voici derechef le grand, le noble, le violent, le brutal des transports d’Adèle et de son amant, et le cynisme scélérat des Richard, des Alfred et des Fritz Sturler, aux prises avec une fatalité rajeunie, — providentielle ou physiologique, — souvent les deux ensemble. Et voici les passions en lutte avec le monde, bravant les préjugés, et défiant les lois. L’un dit : « Parce que les hommes ont tout prévu dans leur morale cruelle, qui n’a pas cru devoir rechercher les causes et qui n’a tenu compte que des effets… » — À quoi l’autre, la femme, répond : « … Eh bien, je ne serai pas votre femme. Vivez, c’est l’important. Quant aux lois qu’ont établies les hommes, elles m’ont déjà fait assez souffrir pour que je ne me soucie plus d’elles[3]. » Avec les Idées de Madame Aubray commence l’idéaliste branle-bas.

Ce n’est pas le lieu de discuter les Idées de cette

  1. Préface de l’Étrangère, p. 211.
  2. Cf. la Femme de Claude. Rapprocher Claude et Hermann
  3. L’Étrangère, V, sc. iv, p. 349.