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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/42

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

Verrina ; un bon tyran, vieux, philosophe, et désabusé, André Doria, qui leur pourrait dire à tous :

Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus[1] ;


Gianettino, son neveu, orgueilleux, débauché, cruel, incarnant en soi tous les vices que le mélodrame flétrit ; des rôles de femmes aussi, qui ne sont pas enveloppés de demi-teintes : chastes ou débauchées, violentes ou violées, anges ou courtisanes, toutes vibrantes des passions du xvie siècle italien, la fille de Verrina, irréparablement outragée par le neveu du doge, la nièce du doge, cynique et bafouée par Fiesque, tout cela fait un beau remue-ménage. Et puis, il y a le nègre, ce Maure patibulaire, noir comme Othello, demi-frère de Dumas par la couleur du visage, et agile traître de drame, qui passe à travers les crimes d’une telle allure que « la plante des pieds lui brûle[2] ». Croiriez-vous qu’Ancelot, dans sa pièce, avait supprimé le nègre, n’osant, comme Ducis, le blanchir ? Dumas en appelle aux justes lois, encore indigné lorsqu’il écrit ses Mémoires[3]. Ce n’est pas lui qui supprime le nègre. Le nègre fera souche de coquins dans son théâtre, qu’ils soient blancs ou de couleur. — Et enfin, il y a Fiesque, grand, noble, fort, conspirateur, qui joue le personnage d’un efféminé pour se réveiller lion. Schiller s’est souvenu d’Hamlet ; et l’on sait à quel point Hamlet a remué Dumas. Cette demi-obscurité qui enveloppe le personnage de Shakespeare et que Schiller a encore épaissie, nous la retrouverons dans l’indécision d’Henri III, l’énigme d’Antony et chez d’autres qui traversent la scène, marqués au front par la cruelle énigme ou le

  1. Le Cid, I, iv.
  2. La Conjuration de Fiesque à Gênes, II, Sc. ix, p. 252.
  3. Mes mémoires, t. IV, ch. xcvii, p. 118.