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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/41

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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

historique en cinq actes et en vers ». On notera que, pour son coup d’essai, il oublie déjà d’indiquer ses sources[1].

L’œuvre de Schiller était pour lui plaire. Un esprit de révolution inspire cette tragédie républicaine. Le futur artilleur de 1830 s’en réjouit. La passion y est violente, farouche et poussée aux conséquences extrêmes. La haute philosophie y alterne parfois avec la brutalité. Tout cela échauffe la tête de notre apprenti dramaturge[2]. Des caractères d’acier, comme le républicain

  1. La Conjuration de Fiesque à Gênes, tragédie républicaine, qui fait partie de la trilogie de jeunesse de Schiller, a été souvent traduite ou imitée en France de 1820 à 1835. Dumas cite un Fiesque d’Ancelot (Mes mémoires, t. IV, ch. xcvii, p. 118), qui fut représenté, non sans succès, à l’Odéon. Alfred de Musset mit plus tard (1834) Fiesque à contribution, quand il écrivit Lorenzaccio. L’esprit de conjuration est un lieu commun de Victor Hugo dramatiste (Cromwell, Hernani, Marion Delorme, Ruy Blas) et c’est Fiesque, à côté de Cinna, qui enseigne aux jeunes premiers de ce théâtre cet art de conspirer, que Scribe plaisante dans Bertrand et Raton et dont l’opérette du second Empire s’est amusée sans merci. Fiesque était une œuvre en vue. Dumas la traduit d’abord. En 1842, il donnera au Théâtre-Français Lorenzino qui est l’intrigue de Fiesque poussée au noir, avec une conspiration « bien tortueuse, bien sombre, bien Romaine », un duel en masques, à minuit, et des coups de poignard, et du poison, et des réminiscences des Brigands, et le dénoûment d’Egmont, et encore, par-dessus le marché, une scène de premier ordre (V, iv) dans la prison de Bargello, en souvenir de la Tour de Nesle. En 1860, il écrira l’Envers d’une conspiration, où maint morceau de Fiesque se retrouve. Il n’a rien brûlé de ce qu’il avait adoré ou traduit. (Voir Mes mémoires, t. IV, ch. cviii, p. 268. Cf. Théâtre complet, t. I, p. 22.)
  2. Stendhal avait prévu le cas. Op. cit., p. 253. « À peine s’il connaît (le public) de nom les Richard III, les Othello, les Hamlet, les Walstein, les Conjuration de Fiesque… » Et ibid. : « …En étudiant profondément le moyen âge, qui a tant d’influence sur nous, et dont nous ne sommes qu’une continuation, et en exploitant le moyen âge à la façon de Shakespeare et de Schiller ».