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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/438

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

du « feuilleton[1]  » pour arriver à pareille conclusion sur la vitalité du style et de l’expression. À plus forte raison, quand l’écrivain approche d’une péripétie ou du dénoûment. Non seulement il jette à propos le mot de théâtre ou la formule d’une situation ; mais le mécanisme du dialogue se serre à fond ; cela devient une angoisse. Et alors, péripéties et dénoûment sont abordés les poings serrés, comme d’assaut. Ce style dramatique est de la force en acte.

Il exprime la passion comme une énergie. Considérez de près « les scènes de feu »[2]. Le style n’y a rien de « magique »[3], l’émotion jaillit de la vigueur de la volonté et de la sensibilité. Les femmes, les faibles femmes dépensent en leurs défaillances une fougue éperdue. Elles livrent le pont de Clausen avec de violentes effusions. Rien n’est perdu, fors l’honneur. Dumas ne s’égare jamais longtemps dans le lyrisme passif. Il ne s’attarde guère à chanter :

 
J’ai des rêves sans nombre ;
Je vous aime de loin, d’en bas, du fond de l’ombre[4].

Sa langue n’est pas analytique ; elle n’éclaire point le secret des âmes. Il est incapable d’écrire :

Même aux pieds des autels que je faisais fumer,
J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer[5].

Je ne suis même pas assuré qu’il se doute que cela est universellement beau. Mais pour ce qui est du corps « transi et brûlant », des yeux qui ne voient plus, de la bouche muette, des symptômes extérieurs de

  1. Antony, IV, sc. vi.
  2. Antony, IV, sc. i, p. 203.
  3. La Tour de Nesle, V, tabl. viii, p. 85.
  4. Ruy Blas, III, sc. iii, p. 164.
  5. Phèdre, I, sc. iii.