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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/439

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L’ÉCRIVAIN. — CONCLUSION.

la passion, il excelle d’abord à les rendre. Et comme ils sont, lui et son style, dans la pleine joie de vivre, c’est par les sensations que l’amour s’exprime d’emblée. Et comme il est sensible, un peu moins que son style, et sensuel peut-être davantage, le dialogue n’est jamais immoral de parti pris, mais quelquefois scabreux à cause du jeu des muscles. Cette sensibilité, qui lui est une douceur, est aussi un moyen dramatique. Au moment où le sang s’échauffe, et parmi les préliminaires de l’action, il a des romances exquises et caressantes en prose, et courtes. Certaines complexions de femmes en sont tout alanguies ; la voix tremble ; les yeux se noient. « Qu’as-tu ? » — « Rien… rien. Je meurs[1] », soupire Angèle. Bientôt la passion éclate, le style se ramasse et bondit. C’est le triomphe de la bête humaine, oui, sans doute, et aussi du superbe animal humain, énergique, vigoureux, audacieux, et vainqueur. Le style de Dumas, aux bons moments, ce style, qui n’a rien de littéraire, est tout cela ensemble. Il s’élance, nerveux, à la façon des héros légendaires et modernes, à travers les dangers, par brusques saillies et tirades dévorantes ; il frappe ses coups par formules irrésistibles. Peu de larmes, peu de lamentations ; de l’action, toujours de l’action, qui décidément y domine, plus que la sensibilité, plus que l’imagination. Et cela n’est pas peu, puisque c’est le drame même.

Certes, Dumas est homme à pervertir son talent par l’abus[2]. Mais les écrivains de théâtre sauront puiser

  1. Angèle, I, sc. ii, p. 127.
  2. Il y a, même au théâtre, des moments où il grossoie, où il use ses procédés et formules, où il s’imite lui-même. Alors il tempête ou caresse à froid. « Il tient, comme dit de Musset, magasin de flammes et d’ardeurs, d’ivresses et de délires… » (Carmosine (Th., IV), II, sc. ii, p. 350.)