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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/448

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

féminin ; vers le théâtre ou les arts, il est tout génie, tout désordre, prodigalité d’intelligence et de cœur.

Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes[1].


Tous ces héros battent la campagne avec volupté ; ils ont ce grain de folie qui plaît au peuple et le console de n’être qu’une individualité sans génie et sans nom.

Ils personnifient à ses regards autre chose : c’est à savoir les mœurs sociales qui s’affirment et font leur trouée sur la scène avec la passion des temps nouveaux, laquelle prend sa forme et son mouvement dramatiques, invente, traverse des situations imprévues, et soulève, dans sa course furibonde, mais réglée, les émotions neuves du drame. Balzac n’a pas encore agi sur ces personnages ; la fantaisie est la plus forte, mais éclairée par d’heureuses intuitions. Aussi, lorsque dans la seconde partie de sa carrière, Dumas sera plus calme, et lorsqu’il ira aux sujets moins violents, alors il aura mis en scène tant de passion, et combiné pour elle, en des milieux si divers, tant de scènes et péripéties, que sa maîtrise se reconnaîtra clairement dans la partie dramatique des œuvres de ses successeurs, que ni la force comique d’Émile Augier ni l’ironie sentimentale de MM. Meilhac et Halévy n’y seront réfractaires, et qu’enfin, quelque vingt ans après Antony, apparaîtra glorieuse la part d’hérédité chez le plus proche et le plus original de ses confrères, qui fut son fils. Tant il est vrai que la même main qui construisit la Tour de Nesle sur le sable doré de la légende, avait établi sur de fortes assises le drame moderne.

Parce qu’il fut l’homme de son époque, doué d’une imagination insatiable et d’un tempérament dévorant, il

  1. La Fontaine, la Laitière et le Pot au lait, liv. VII, fable x.