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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/59

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L’HOMME ET SON ÉPOQUE.

Fiesque, dont le visage est caché par le casque de combat. Laissez-le faire ; il tient sa situation. Les deux doges sont en présence : celui d’hier, vieillard philosophe et doux, déplore l’inconstance de ce peuple qu’il a jadis délivré de la tyrannie, lui aussi ; et il gémit, non pas sur sa chute ni sur sa mort prochaine, mais sur la frivolité des hommes et la vanité des choses. Fiesque lit sa propre vie et l’avenir de ses ambitions sur le front dénudé d’André Doria, et c’est lui qui, recevant cette blanche boucle, y reconnaît le symbole du néant de toutes les grandeurs, et fond en larmes à son tour.

 
 
Ami, prends ce poignard et coupe ces cheveux,

Montre-leur cette boucle à mon front arrachée
Le jour où de mon cœur Gènes s’est détachée…
Dis-leur qu’elle blanchit sous des travaux constans,
Que le bandeau ducal lui pesa quarante ans ;
Dis que de mon front chauve elle était la dernière ;
Et si leur cœur encor repousse ma prière,
Porte ces cheveux blancs à mon jeune rival ;
Ils serviront d’agrafe à son manteau ducal.

FIESQUE, s’éloignant de lui.

Supplice de l’enfer !

LE DOGE.

Eh, qu’as-tu donc ?

FIESQUE
Je pleure[1].

Et voilà une scène de drame, qui nous mène droit au dénoûment.

Noyer un doge était pour Dumas une aubaine ; d’autant que l’histoire est ici presque complice. Fiesque tomba dans la mer, au moment où il touchait au but de ses rêves ambitieux. Dumas le noie donc, de cœur

  1. Manuscrit inédit, V, sc. xiv. Cf. la Conjuration de Fiesque à Gênes, V, sc. xiv, p. 342.