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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/58

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

Dumas s’enhardira, mais toujours avec précaution, avec le souci du parterre. Lisez sa traduction de l’Intrigue et l’Amour, et surtout la première scène, qui se passe dans un intérieur allemand entre le violoniste Miller et sa femme. Alors comme à présent, maître du théâtre ou novice qui s’essaye, il adoucit, transpose ; il nous semble presque timoré, aujourd’hui qu’un certain théâtre a reculé les bornes du réalisme forcené ou cynique. Il se garde de nous montrer la femme Miller « qui court en hurlant à travers la chambre ». Son mari ne l’appelle pas « entremetteuse » ; il ne la menace pas de « la pluie de soufre de Sodome… » ni d’autres aménités[1]. En 1847 Dumas connaît le public ; dès maintenant, il le devine.

C’est encore l’instinct du théâtre qui l’avertit à point que Schiller, passant à côté d’une belle scène, a rencontré dans un geste poétique un effet presque ridicule. On se rappelle la boucle de cheveux que Doria remet à Lomellino. À Lomellino Dumas substitue


    femmes, IV, ix, 173-174 (Th., IV). Cf. Phèdre, II, v :

    Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire.

    Et plus loin :

    
    Ah ! cruel, tu m’as trop entendue !

  1. L’Intrigue et l’Amour, tragédie bourgeoise de Schiller, I, sc. i, p. 364 et II, iv, p. 404 (Th., t. I). — On pourrait, faire en détail la mêne étude de l’adaptation que Dumas exécuta plus tard. Il atténue la brutalité réaliste de Schiller. Il resserre ou supprime les scènes de mœurs ou de passions choquantes. On en verra un exemple dans la scène entre Miller et Ferdinand, l’amant de la fille de Miller : Schiller, V, sc. v, pp. 472 sqq. Cf. Dumas (Th., X), V, sc. iv, pp. 296 sqq. — On notera aussi, pour la curiosité de la rencontre et comme indication de la part héréditaire dans le talent de Dumas fils, que l’Intrigue et l’Amour n’est pas sans analogie avec la Dame aux Camélias. (Schiller, II, vi, 411. Cf. Dumas fils, scène de Duval et de Marguerite, III, iv, 124 sqq.)