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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/80

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

le théâtre, la poussière d’antiquaille formera une atmosphère un peu épaisse, qui n’est pas celle de Shakespeare, mais qui plaît aux regards de la foule et fait un trompe-l’œil animé.

Les personnages du romancier écossais ne vivent guère ; mais il fait vivre les milieux. Il décrit longuement, et avec une recherche de précision. Le résultat est immanquable : il laisse l’impression du grand. Ses castels, donjons, tournois ont tout à fait grand air. Il donne de l’espace à la fantaisie de ses lecteurs, plus qu’il n’imagine lui-même. Je vous donne à penser si cet art plaît aux fils de ceux qui ont sillonné l’Europe, le sabre au poing. Le procédé a passé du roman sur le théâtre, non pas sous forme de description, mais d’énumération, d’accumulation, et de tirade quasiment érudite[1]. À l’époque où Victor Hugo en mésusait encore dans Ruy Blas, Dumas en faisait depuis longtemps un emploi plus habile. Il avait écrit le quatrième acte d’Antony. Car ces reconstitutions, que l’histoire désavoue, quand elles consistent dans la seule enluminure du passé, devaient devenir, grâce à lui, comme le support du drame moral, social et moderne. À y regarder de près (et nous y regarderons d’aussi près qu’il nous sera possible), le second acte du Demi-Monde procède du quatrième d’Antony, qui procède, en partie, de Walter Scott. Et ceci offre un autre intérêt que la préface documentée de Ruy Blas. Ce n’est pas que Dumas n’ait donné, avec son ordinaire impétuosité, dans le godant de la couleur locale ; tout Henri III

  1. Voir monologues de don Carlos, Hernani, IV, sc. ii, pp. 107, sqq. ; de Ruy Blas, III, sc. ii, pp. 156 sqq. ; de Frédéric Barberousse, dans les Burgraves, partie II, sc. vi, pp. 327 sqq., pour ne citer que les morceaux les plus connus dans Victor Hugo. On notera que Dumas, plus dramatiste, n’en usera guère après Henri III et sa Cour, Christine et Charles VII chez ses grands vassaux.