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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/121

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INQUIÉTUDE D’ESPRIT ET DE CŒUR

d’ailleurs Crémieu-Dax qui avait aussi fondé la Tolstoï, et avec le même sens profond des conditions positives. Le restaurant, grâce à ce capital modeste, et dont l’intérêt, d’après les statuts, ne devait jamais dépasser 2 pour 100, pouvait donner aux ouvriers des repas à 80 centimes et à 1 franc, dont les matières étaient saines et la préparation hygiénique. La consommation des boissons alcooliques y était interdite. « Au nom de l’humanité future et consciente, tu ne boiras pas. » Cette devise, peinte en énormes caractères sur chacun des murs de l’établissement, en formulait le véritable esprit, de même que les quatre mots qui servaient d’épigraphe aux prospectus de l’Union Tolstoï : « Nature, Science, Progrès, Justice, » en ramassaient la pensée inspiratrice. Crémieu-Dax, qui avait présidé à l’élaboration des statuts, avait fait accepter comme premier article, — et cela seul démontrera la lucidité pratique de son esprit, — que le nombre des membres de l’Union serait limité. Il l’avait voulue petite pour qu’elle fût plus vivante. Elle comprenait un comité de sept fondateurs, qui devaient amener chacun vingt-quatre adhérents, par moitié travailleurs intellectuels et par moitié travailleurs manuels, dont ils répondaient. Des 175 personnes ainsi recrutées, pas une avec laquelle il ne maintînt un contact personnel. Dans ce but, il prenait la plupart de ses dîners au Restaurant de tempérance. L’affiche portait simplement cette annonce, et, en dessous, le prix des portions, dont la plus chère coûtait sept sous.