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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/154

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L’ÉTAPE

contre l’Église, mais aussi, mais surtout contre son fondateur, auquel il aurait volontiers crié, comme l’a fait si passionnément Darmesteter, le verset d’Isaïe : « Ergo vulneratus es sicut et nos, factus es similis nostri… » Parmi ces reproductions d’œuvres d’art qu’il avait choisies pour les mettre d’une façon constante sous les yeux des habitués de l’U. T., pas un sujet chrétien ne se rencontrait. En revanche, sa physionomie s’épanouit, quand, ayant passé dans la bibliothèque où plusieurs jeunes gens étaient en train de lire, il eut consulté les cahiers des emprunts. Il n’était presque sorti dans la journée que des livres relatifs aux questions sociales et à la philosophie des sciences.

— « C’est très curieux, » dit-il, après avoir fait remarquer cet exclusivisme à son compagnon, « ils ne prennent plus jamais d’ouvrages d’histoire, et que c’est heureux ! Cela les troublerait dans leur effort vers l’avenir. Leur puissance, c’est qu’ils ne doutent pas de la vie, et l’histoire, c’est l’école du doute. Elle aura été un des grands poisons intellectuels du dix-neuvième siècle. Vois où elle a mené Taine et Renan. J’ai acquis une conviction à l’U. T. C’est que la démocratie veut des synthèses. Il faut lui en donner. »

— « Même d’invérifiées ?… » Cette réponse, Jean l’eut au bord des lèvres. Mais, le cœur remué encore par leur échange d’affection de tout à l’heure, lui non plus, il n’exprima point sa pensée. Que lui importaient d’ailleurs, à cette