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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/153

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L’UNION TOLSTOÏ

lités, quand il s’agissait de son Union : « Il y a un déchet en ce moment, c’est certain, mais nous ne devons pas en tenir compte. Nous inaugurons une Humanité supérieure. Nous ne sommes qu’au commencement. Mais quel avenir !… » Il le voyait, cet avenir, il l’habitait, et la métamorphose d’une vie nouvelle s’accomplissait réellement sur son mince visage, dès qu’il respirait l’air de la Tolstoï, par un de ces phénomènes d’auto-suggestion qui tiennent du miracle et dont on ne sait si l’on doit en rire ou en pleurer. Ce soir encore, et quoique son amitié, si vive pour Monneron, lui eût rendu presque inacceptable, soupçonnant ce qu’il soupçonnait, l’hypocrisie de Rumesnil, la manie fut la plus forte, sitôt le seuil franchi. Il commença par consulter le registre où s’inscrivaient ceux des membres qui venaient dans la journée, et, faisant un calcul de pensée aussi rapide que son regard :

— « Quarante-sept, » dit-il à Jean. « Ce n’est pas comme au restaurant. Il y a un petit fléchissement, par rapport à dimanche. Les visites aux cimetières en seront la cause. »

Il n’ajouta pas de commentaire, pour ne pas soulever à nouveau entre son ami et lui une discussion sur un point qui touche de très près à la vie religieuse. Un léger hochement de sa tête nerveuse indiqua seul la secrète irritation qu’il éprouvait chaque fois qu’il se heurtait à une des traditions catholiques. Un détail significatif mesurera l’énergie de ses partis pris, non seulement