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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/160

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L’ÉTAPE

laissait plus tromper à ce sophisme. Il ne confondait plus la fièvre et sa malsaine brûlure avec la bienfaisante chaleur de la vie. À peine pouvait-il dissimuler son mécontentement de manifestations comme celle-là, et, quand eut été lancé ce refrain où la platitude le dispute à la sottise :

C’est la lutte finale,
Groupons-nous, et, demain,
L’Inlernationale
Sera le genre humain.

— « Nous ne sommes pas un comité électoral, » dit-il sèchement, « si nous travaillions ?… »

— « Travailler, » répondit Rioufîol, en dardant sur son cousin le fauve éclair de ses petits yeux, « hé ! là-bas ! ça nous connaît autant et plus que toi !… »

— « La parole est au camarade Bobetière, » dit vivement Rumesnil, pour couper court à une riposte de Jean, « et silence partout !… » Bobetière était un étudiant en médecine, fort distingué, et à qui ses maîtres pronostiquaient le plus bel avenir. Il projetait de se spécialiser dans l’étude des maladies nerveuses. S’il est un ordre de connaissances qui doive ramener un esprit à la vérité sociale, il semble bien que ce soit celui-là, qui nous fait toucher du doigt la fragilité de la pensée, l’équilibre instable de la volonté, l’irrésistible et constante pesée sur nous des influences héréditaires. Le problème de la politique consistant à faire vivre ensemble des hommes, il se