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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/168

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L’ÉTAPE

logie d’infirme intellectuel. Ils pardonnaient au minus habens en faveur des qualités d’endurance et de désintéressement dont ils l’avaient vu faire preuve à tant de reprises, et ils n’en tiraient pas cette simple conclusion que le frottis de connaissances, passé sur cet esprit obscur et généreux, avait eu pour unique résultat de le gâter. Mais Jean ne pouvait pas avoir cette indulgence. Il vérifiait là, trop nettement, dans un exemplaire grossi et d’autant plus significatif, la grande loi dont son père et tous les siens, lui compris, étaient les victimes : l’autodidacte avait exécuté pour son propre compte une tentative analogue à celle que le grand-père, le laboureur de Quintenas, avait essayée pour son fils Joseph. Il avait prétendu se passer du temps. Il avait cru à la bienfaisance immédiate de l’instruction. Dans les deux cas, l’avortement était pareil. Ce désaccord entre l’être intime et la culture, caricatural chez l’ouvrier, le petit-fils du paysan ardéchois en souffrait trop pour ne pas le plaindre chez autrui. Dans la disposition où il se trouvait, sa sensibilité exaspérée supporta mal l’identité entre l’anticléricalisme de l’électricien et celui qu’avait exprimé son père en termes moins extraordinaires, mais aussi inquisitoriaux. Ce fut avec une irritation non dissimulée qu’il dit à son tour, reprenant contre la même insinuation le même raisonnement, cette fois avec brutalité :

— « Autant que j’ai pu comprendre Boisselot, il considère qu’en recevant ici M. l’abbé Chanut,