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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/169

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L’UNION TOLSTOÏ

nous serions les dupes d’un dangereux intrigant. Je n’ai pas à mon service la verve, ni l’éloquence de notre camarade, mais je sais que l’a, b, c de l’honnêteté consiste à respecter sa signature. Qu’y a-t-il au bas de ce programme ? » et il avisa un exemplaire des statuts qui se trouvait sur la table : « Nos noms à tous les sept. Nous sommes-nous engagés, oui ou non, à fonder une société d’éducation mutuelle, entre hommes de toutes conditions ? Or, la mutualité suppose l’échange. L’état de prêtre est une condition. Nous devons donc recevoir ce prêtre, sous peine de faillira nos engagements. Ça s’appelle partout d’un seul nom, ces faillites-là, et ce nom, c’est l’improbité… »

— « Je demande la parole, » dit Riouffol, qui avait enveloppé son cousin, tandis qu’il parlait, d’un regard luisant de défiance. Quand l’étudiant en Sorbonne avait fait cette allusion dédaigneuse à la phraséologie du précédent orateur, ce regard s’était fait méchant jusqu’à la haine. Crémieu-Dax, qui avait saisi cette mimique du violent personnage, appréhenda sans doute que, sur la minute, il ne répliquât à la phrase très dure de Jean par une phrase plus dure encore et dont celui-ci ne fût trop blessé. Il le sentait si las, si dégoûté de semblables discussions, où l’inanité de leur effort apparaissait en effet. Ils prétendaient réformer l’ordre social, et ils ne s’entendaient pas pour organiser une conférence. Ils se donnaient comme altruistes, et ils ne faisaient