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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/189

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L’UNION TOLSTOÏ

en voyant apparaître son second fils fut si extraordinaire, que celui-ci appréhenda un épouvantable malheur :

— « Que se passe-t-il, mon père ? » demanda-t-il. Joseph Monneron mit le doigt sur sa bouche, en tournant ses prunelles dans la direction de la partie de l’appartement où se trouvaient les chambres à coucher, pour demander à Jean de ne pas parler à haute voix. Il ne voulait évidemment pas que sa femme et sa fille qui avaient dû se retirer, comme tous les soirs, vers dix heures et demie, — il en était onze, — pussent même soupçonner la conversation qu’ils allaient avoir. Il s’engagea par le couloir qui, longeant en arrière les autres pièces, conduisait à son cabinet de travail, et là, quand il se trouva seul avec Jean, il lui dit :

— « Ce qui se passe ?… M. Berthier est venu me voir cet après-midi, » — c’était le nom du chef de bureau du Grand Comptoir où le pseudo M. de Montboron, l’amant heureux d’Angèle d’Azay, était employé. — « Il accuse Antoine d’un faux ! Ah ! mon Jean, quel après-midi j’ai passé, et personne avec qui parler ! Personne : Je n’ai rien voulu dire à la maman, avant d’avoir causé avec lui. Elle l’aime tant et elle est si sensible ! Il n’est pas rentré pour dîner. Toi non plus… J’ai cru que je deviendrais fou ! Un vol et un faux !… Mais ce n’est pas possible. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai… »