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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/194

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L’ÉTAPE

momentané de tout le plan de son esprit. « Je continuais mon Orestie. La bonne m’apporte la carte de M. Berthier. Nous ne sommes pas en relations suivies. « Il vient me recommander quelque élève, » pensai-je. « Tant mieux si je peux lui rendre service ! Il a toujours été bon pour Antoine. » Mais, dès son entrée, — il s’était assis là, où tu es, précisément, — je devinai une affaire grave : « J’ai tenu à causer avec vous, monsieur Monneron, » me dit-il, « avant de faire à mon président un rapport qui entraînerait pour votre fils les plus terribles conséquences… » Tu me vois, écoutant ces paroles ? Je te passe les phrases flatteuses sur son respect pour moi, sur l’honorabilité de notre nom… Autant de coups de poignard, étant donné le reste, que voici, bien nettement, avec les termes mêmes dont s’est servi Berthier. Je les ai là, tous, dans l’oreille… Un M. Vincent La Croix, un peintre amateur, très riche, qui est un des clients du bureau C du Grand Comptoir, y arrive hier, mercredi, pour donner un ordre de Bourse. Il traversait Paris et il en profitait pour mettre son portefeuille en état. Il paraît, — M. Berthier parle, — qu’il voyage beaucoup et qu’il laisse les coupons de ses dépôts s’accumuler, sans presque jamais rien placer. Entre parenthèses, Berthier considère ce détail comme très important, tu comprendras pourquoi. Il était midi et demi. Plusieurs des employés, dont Antoine, étaient sortis. M. La Croix demande le chiffre exact de son crédit disponible, avant de donner