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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/199

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LE CHEMIN DU CRIME

du Grand Comptoir ont de par devers eux un livret qu’ils remettent, quand il leur plaît, à leur bureau de quartier. On y reporte en détail les opérations de leur débit et de leur crédit. La trace des chèques indûment tirés et des sommes versées ensuite par compensation devait donc figurer sur le livret de M. La Croix. Un simple regard jeté par lui sur ce livret pouvait lui dénoncer l’irrégularité. Qu’il s’en étonnât et vînt communiquer cet étonnement au bureau, et tout se découvrait. Comment le faussaire avait-il paré à ce danger ? M. Berthier se dit : « Là est le mot de l’énigme. » Il télégraphie à son client de lui faire tenir son livret, à son domicile privé, pour ne pas donner l’éveil. Il relève soigneusement la page entière du livre des dépôts relative au compte La Croix depuis le premier chèque Montboron. Une fois rentré, et en possession du livret, il collationne soigneusement les deux documents : cette page et ce livret. Il constate que celui-ci ne porte la trace d’aucun des quatre chèques suspects où figurait le nom du soi-disant Montboron, tantôt comme bénéficiaire, tantôt comme verseur. Or, c’est Antoine qui est chargé, depuis six mois, du service de ces livrets. Celui de M. La Croix a été mis à jour par lui, il y a cinq semaines. C’est donc lui qui aurait dû y transcrire la date et le chiffre des quatre chèques. Il ne l’a pas fait. De cela je ne peux pas douter. J’ai vu le livret de M. La Croix, — M. Berthier me l’a apporté. J’ai vu en regard la copie de la page du grand-livre… Ah ! mon Jean, quelle minute j’ai vécue là !… »