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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/209

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LE CHEMIN DU CRIME

père, je t’en donne ma parole. Me crois-tu ? »

— « Oui, je te crois, » dit le père, « je te crois… » Et, interpellant son fils cadet, cette fois : « Mon Jean, comment n’y avons-nous pas pensé ? C’était si simple ! Mais quel poids de moins ici !… » Et il mit la main sur sa poitrine… « Un Monneron faussaire, un Monneron voleur, je te l’ai dit tout de suite, » il s’adressait toujours à Jean, « ce n’était pas possible… Tu vois, mon ami, » il parlait à Antoine maintenant, et l’universitaire habitué à régenter des écoliers du haut de la chaire reparaissait dans cette mercuriale si étrangement appliquée : « Tu vois qu’il faut toujours être correct dans les plus petits devoirs… Car enfin, au lieu de t’interroger, comme tu l’aurais voulu, ou de venir ici, comme il l’a préféré, M. Berthier pouvait aller porter le livret falsifié à la justice. Te vois-tu arrêté, notre nom mis dans les journaux peut-être ? Tu te serais justifié aussitôt, mais il y aurait eu un scandale, surtout par le temps qui court, et avec cette presse infâme qui cherche à frapper la République dans tous ses fonctionnaires, et qui n’a pas reculé devant l’honneur d’un Barantin… Et puis, ta mère et ta sœur, quelles émotions affreuses elles auraient eues, elles si sensibles ! Enfin, tu n’es pas coupable. Je sais que tu n’es pas coupable. Que cela me fait du bien de le savoir ! Mais le camarade qui t’a dicté ce compte dans ces conditions-là, si ce n’est pas une distraction, — et l’erreur répétée ne peut pas être une distraction, — quelle infamie !… Ne