Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
L’ÉTAPE

ment criminel. (Ainsi s’explique, par cette surprenante instantanéité dans le projet, comment le débauché se change si vite en voleur, pour peu que l’occasion l’y pousse, et le voleur en assassin.) Il n’y a pour un homme acculé devant des faits si implacablement positifs que deux attitudes : le prendre de très haut et s’indigner, — hausser les épaules et jouer l’indifférence. Le professeur parlait encore qu’Antoine s’était déjà rangé à ce second parti, qui s’accordait au nouveau mensonge, surgi soudain dans son esprit : « Oui, » répéta-t-il, « rien de plus facile… Et, quoi que tu en dises, je ne peux pas ne pas en vouloir à M. Berthier, quand je pense qu’avec deux mots j’aurais réduit cette accusation à néant… Il est parfaitement vrai que j’ai été chargé de mettre le livret de M. La Croix au courant. Mais nous ne racontons pas à M. Berthier notre petite cuisine, et, lorsqu’il est enfermé dans sa pièce à lui, au fond, il ne nous voit pas. Pour aller plus vite, quand un de nous fait une copie de ce genre, un des collègues la lui dicte, à charge de revanche. Quand j’ai reporté le compte de M. La Croix sur son livret, j’ai procédé ainsi. Mon voisin de bureau relevait les chiffres, il me les disait et je les écrivais. Voilà ce que j’aurais expliqué à M. Berthier, s’il m’avait parlé, à moi… Je le lui expliquerai demain… Sois tranquille, je serai poli. Mais tu ne m’empêcheras pas de lui dire qu’il a manqué de tact, je le répète. Cela ne m’étonne pas d’ailleurs de ce gros éléphant… Voilà la vérité, mon