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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/246

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L’ÉTAPE

sciences naturelles qui chargent l’inutile programme des lycées destinés à son sexe, — elle n’est qu’une enfant, et une ignorante enfant. Elle l’est, même après la lecture des mauvais romans et des mauvaises comédies, des bas journaux et des prétentieuses revues qu’elle a pu dévorer pour se mettre au courant de l’actualité parisienne. Elle l’est même dans l’affirmation des plus hardies théories, et quand elle se croit matérialiste, anarchiste et féministe ! Ce qu’elle détruit dans son avenir en s’abandonnant à des légèretés dont la moindre surveillance intelligente la protégerait, elle l’ignore ; et elle se perd à jamais par des égarements dont le point de départ a été parfois, comme pour la pauvre Julie, une imprudence et une puérilité. Antoine éprouva bien, une fois revenu dans sa chambre, un serrement de cœur, à l’idée que l’attitude de sa sœur durant cette pénible scène ne s’expliquait guère si elle n’était pas la maîtresse de leur camarade. Mais plus cette liaison était intime, plus les chances de succès étaient grandes pour la démarche à laquelle il l’avait enfin déterminée, — pourvu cependant qu’elle ne revînt pas sur sa résolution…

— « Hé bien ! » conclut-il en s’endormant vers les quatre heures du matin, « si elle a changé d’idée, c’est moi qui la ferai, la démarche, mais sans l’avertir, Julie. Elle n’aurait qu’à prendre les devants et à prévenir Rumesnil qu’elle ne s’y intéresse pas. Elle en est capable. Bah ! J’ai le bon bout maintenant… »