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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/253

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LES FRÈRES ET LA SŒUR

ne sera peut-être pas là ? S’il y est, peut-être ne recevra-t-il pas Antoine ?… S’il le reçoit, peut-être n’aura-t-il pas la somme, et le remettra-t-il à plus tard ?… Si les cinq mille francs étaient payés d’ici là !… Oui, il faut qu’ils soient payés… Il le faut. Mais comment encore ?… » Un plan s’ébauchait dans son esprit, celui de le trouver, de son côté, cet argent, et tout de suite. Une fois trouvé, de deux choses, l’une : ou bien Rumesnil l’aurait prêté déjà et on le lui rendrait, ou bien il ne l’aurait pas encore prêté, soit faute de l’avoir à sa portée, soit parce que la démarche d’Antoine n’aurait pas eu lieu. La restitution faite au bureau, cette démarche n’aurait plus lieu… Mais à qui s’adresser ? D’où les faire sortir, ces cinq billets bleus qui ne pouvaient pas, qui ne devaient pas venir de l’amant ? Rien qu’à l’horreur que lui donnait la seule pensée de ce service d’argent rendu par Adhémar à quelqu’un des siens, Julie eût pu mesurer sa défiance maladive à l’égard du jeune homme à qui elle s’était pourtant abandonnée et dont dépendait tout son avenir de femme. Quel châtiment !… Elle eut de nouveau à cette minute un de ces accès de détresse totale, comme elle en traversait sans cesse depuis qu’elle était la maîtresse de cet amant qui était libre et qui, pas une fois, ne lui avait, dans les causeries intimes de leurs rendez-vous, fait même la plus lointaine allusion à un mariage. Elle se prit à pleurer, pleurer indéfiniment, silencieusement. Puis, la sonnerie d’une église voisine lui étant