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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/260

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L’ÉTAPE

pas dire : Rumesnil donnant cet argent à Antoine, et la soupçonnant, soupçonnant tous les siens d’être les complices plus ou moins conscients du maître chanteur, et se jugeant quitte avec elle parce qu’il l’aurait payée ainsi. En évoquant l’image de Joseph Monneron, elle avait trouvé l’argument irrésistible, celui qui aurait raison de tout chez Jean, puisqu’il avait déjà eu raison de son amour pour Brigitte Ferrand. Julie n’avait pas fini de parler qu’il était déjà debout, cherchant son pardessus et son chapeau.

— « Je vais chez Crémieu-Dax, » dit-il, « c’est toi qui est dans le vrai. Pourvu seulement qu’Antoine n’ait rien fait encore ! »

— « Il n’a pas eu le temps, » répondit Julie. « Sois sûr qu’il aura eu l’idée d’aller chez M. Berthier d’abord demander un délai… Ah ! mon Jean, » dit-elle avec emportement, « tu ne sauras jamais combien je t’estime, combien je t’admire, combien je t’aime ! »

Elle prit son frère dans ses bras et le serra contre elle, à lui faire mal. Puis elle l’accompagna à travers le couloir. Ils devaient passer devant le cabinet de travail où le professeur donnait la répétition dont il avait parlé à Antoine. Sa voix leur arriva à travers la porte. Il expliquait à son élève un célèbre passage du Catilina de Salluste sur le luxe.

— « Maria constructa esse, » déclamait-il, et il y avait de l’enthousiasme dans sa voix : « Vous traduisez : construire des villas dans la mer !voyez--