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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/268

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L’ÉTAPE

cette éducation de sa pensée, dans son adhésion contrainte aux vérités comme inscrites dans ces cruelles expériences, et il sentait cela encore ; que, s’il devait un jour avoir la foi complète, celle dont la lumière éclairait les yeux de M. Ferrand et de Brigitte, il ne pourrait que bénir cet inconcevable Esprit dont la Providence régit nos destinées, de l’avoir conduit à travers le chemin ou son cœur s’ensanglantait. Que c’était chèrement payer pourtant la certitude et la force intérieure, et même un autre bonheur, si celle qu’il aimait l’attendait au terme de cette voie douloureuse !

Un nouvel incident, que l’entretien avec Julie lui aurait fait appréhender, s’il ne s’était pas, comme on a vu, révolté contre une certaine hypothèse, le réveilla de cette exaltation mystique, en le remettant en face d’un autre mystère et plus chargé de conséquences que tous ceux auxquels il s’était tant meurtri. Il était arrivé à l’extrémité du boulevard Saint-Germain, devant le bureau C du Grand Comptoir. Il connaissait, pour y avoir pris son frère plusieurs fois, la disposition des lieux qui permettait d’accéder au cabinet du chef par une porte latérale, laquelle ouvrait sur la rue de Poissy. On évitait ainsi de traverser la grande salle où les employés travaillaient et communiquaient avec le public. Jean s’était glissé par là, avec l’espérance de ne pas être vu par son frère et de ne pas le voir.