Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
L’ÉTAPE

nait seul, si elle déclarait la vraie raison de ce saisissement. Pourtant, si elle avait été absolument sûre que c’était bien de Rumesnil que le faussaire avait obtenu cet argent, peut-être eût-elle trouvé le courage surhumain de cette confession, pour effacer aussitôt jusqu’au souvenir de cette ignoble dette ? Elle n’en était pas certaine, et l’instinct de suprême pudeur qui fait d’un aveu de cette sorte, pour toute femme, une mortelle épreuve, — que dire quand cette femme est une jeune fille ! — scella soudain son secret dans son cœur. Elle ajouta : « Qu’il ait trouvé cet argent si vite, voilà ce qui m’épouvante… »

— « Mais enfin, » reprit Jean, « dans cet entretien que vous avez eu ensemble cette nuit, tu m’as dit toi-même qu’il t’avait demandé de l’aider : Comment ?… »

— « N’insiste pas, » répondit-elle en se levant et s’écartant comme un animal blessé. « Ce qu’il m’a dit m’a été trop pénible à entendre pour que je le répète… Ne m’en parle jamais ! N’y fais jamais allusion ! Jamais ! Jamais !… D’ailleurs, il ne s’agit pas de cela, puisque j’ai refusé de l’écouter et que je l’ai chassé… »

— « Je ne te questionnerai plus, » repartit Jean après un passage d’hésitation, « J’y mets pourtant une condition. J’en ai le droit, » continua-t-il, comme elle redressait la tête en le regardant avec la fierté défiante qu’elle avait eue si souvent pour lui depuis des mois. « J’ai fait une démarche qui m’a été infiniment dure, poussé par toi, à cause de