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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/280

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L’ÉTAPE

chambre en frémissant. Pour la première fois, l’image de son père, ainsi évoquée, n’avait pas dompté la tempête intérieure. Il avait besoin de la vérité, comme on a faim de pain et soif d’eau. Ce commencement d’une révolte contre ce père lui-même, toujours dressé au travers de ses énergies, s’accrut encore à voir le professeur arriver en personne, le visage délivré de ses soucis de la nuit et du matin, et tenant à la main une feuille de papier. C’était une lettre de Berthier, demandant à M. Monneron de ne pas se déranger cet après-midi comme il en avait eu l’intention. Il lui annonçait que tout était expliqué, et qu’il ne s’occupât plus d’une affaire désormais élucidée. Le chef de bureau avait reculé devant le mensonge direct, si dur à soutenir en face et d’homme à homme. Il avait cependant tenu sa promesse à Antoine, en écrivant ce billet, qu’il avait fait porter par un garçon du Grand Comptoir.

— « Tu vois comme Antoine avait tort, » conclut Joseph Monneron après avoir montré ce message à son fils, « de reprocher à cet excellent homme un manque de tact ? Quelle délicatesse, au contraire ! Je suis content, d’ailleurs, de n’être pas obligé de passer boulevard Saint-Germain. Je pourrai aller chez Barantin. C’est son jour, et je suis si rarement libre le vendredi !… il doit parler à la Chambre, la semaine prochaine, contre l’enseignement congréganiste. J’ai quelques bonnes notes techniques à lui communiquer. Tant que nous n’aurons pas fait fermer leurs collèges, la bataille