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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/292

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L’ÉTAPE

renseignement, chargé pour lui d’une si dure signification, il se retrouvait rue Claude-Bernard, juste à temps pour croiser, sur le trottoir et devant la maison, Mme Monneron et Gaspard, lesquels ne perdirent ni l’un ni l’autre cette occasion de manifester leur sentiment devant un procédé de locomotion considéré dans la famille du fonctionnaire, à son exemple, comme essentiellement abusif :

— « Plus que ça de chic ! » s’exclama le jeune potache en esquissant une révérence comique. Et, parodiant une réclame de chemisier qui s’étalait sur tous les murs : « Tu as donc fait un héritage, mon cher, pour te payer des roulantes pareilles ?… »

— « Dépêchons-nous… » fit Mme Monneron, « je ne veux pas manquer l’omnibus. Nous ne sommes pas assez riches, nous autres, pour nous offrir des heures de voiture ! Nous sommes comme ton père, qui sait se passer de luxe… »

Cette épigramme et le regard ironiquement désapprobateur dont elle l’accompagna empêchèrent que Jean ne posât au couple si bien appareillé la seule question qui l’intéressât à cette minute : « Ma sœur est-elle à la maison ? » Il monta l’escalier quatre à quatre, laissant sa mère et son jeune frère interloqués de la manière dont il avait passé sous le feu de leurs commentaires sans leur adresser un mot. Quand la bonne, rencontrée dans l’antichambre, lui eut répondu que Julie était chez elle, son cœur battit dans sa poi-