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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/294

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L’ÉTAPE

taire de l’honneur commun, une force mystérieuse le soutient, qui lui donne le courage d’aller jusqu’au bout de certains devoirs.

— « Julie, » commença-t-il, la porte à peine fermée, « je viens de chez Rumesnil. »

La jeune fille eut un saisissement, aussitôt réprimé. Pour dompter le trouble où l’avaient jetée les émotions de la nuit et de la matinée, elle avait voulu reprendre un des devoirs par lesquels elle continuait sa préparation à Sèvres. Elle avait échoué au dernier examen, beaucoup à cause de ce roman avec Adhémar, qui avait absorbé toutes ses pensées, et, depuis, pour rester plus libre, elle avait obtenu de son père de suivre des cours à la Sorbonne et au Collège de France, au lieu de son lycée. Mais elle continuait à traiter les sujets donnés à ce lycée, afin de se tenir au courant. Expliquer ce vers de Rutilius : De races opposées, Rome, tu as fait une seule nation, — tel était le thème sur lequel elle besognait, cet après-midi, avec quel intérêt, on le devine ! Ce retour si rapide de Jean, l’expression de son visage, le son de sa voix, sa présence même, lui qui n’était pas venu causer avec elle de tant de jours… Plus de doute… La scène d’inquisition à laquelle elle avait échappé quelques heures auparavant allait recommencer ! Si elle n’avait pas su le voyage de son amant, la phrase de son frère lui aurait infligé une secousse plus vive encore. Mais elle savait cette absence et que, par conséquent, les deux camarades n’avaient pu avoir