Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
L’ÉTAPE

simples malfaiteurs et les traite comme tels sans hésitation ni remords. Le monopole de l’honnêteté politique est à lui. Cette disposition d’esprit explique l’impossibilité d’acquérir la moindre expérience, qui caractérise cette secte d’aberrants sincères ! Aussi ne sont-ils jamais arrivés et n’arriveront-ils pas à établir un gouvernement. Ils sont condamnés à tyranniser. Ils sont punis, d’autre part, de leur fanatisme par la facilité avec laquelle les dupent les sycophantes qui affectent de partager leurs principes. Ils ne peuvent plus juger quelqu’un qui pense ou semble penser comme eux. Antoine connaissait bien ce point faible du caractère de son père, qu’il s’amusait d’ordinaire — parlons le style de Gaspard — à « faire grimper », mais pas ce soir. Ce soir, il fallait être le fils vertueux, donc républicain, et le naïf professeur s’y laissait prendre. Mais n’était-il pas dupé depuis des années par des politiciens de dernière catégorie, comme l’ancien camarade d’école, véreux et doctrinaire, disciple de Kant et pot-de-viniste effronté, chez lequel il avait passé l’après-midi, et dont il mentionna le nom en répondant à son fils :

— « Oui, c’est de Richard. Tu n’a pas oublié ce vers ! C’est bien, cela, c’est très bien !… Je le disais aujourd’hui, chez Barantin, à des députés de son groupe qui reculent devant les criailleries des cléricaux, pour la loi d’enseignement : je m’y connais, j’ai élevé deux garçons, j’en élève un troisième. Je les défie de cesser d’être des républicains. Pourquoi ? Parce que je les ai soustraits, dès le