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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/318

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L’ÉTAPE

un billet à son camarade pour lui demander d’être chez lui, le mercredi matin, à dix heures, « ayant à lui parler d’une affaire importante. » Le vague de la rédaction convenait également à l’emprunt d’argent qu’avait fait Antoine et aux assiduités du jeune noble auprès de Julie Monneron. Il comptait que Rumesnil ne reculerait pas sa rentrée à Paris, devant assister le mercredi soir à la conférence de l’abbé Chanut à l’Union Tolstoï. Intrigué par ce billet, il ne manquerait de se trouver à la maison. Cette précaution prise, Jean commença d’employer, pour user ces quatre interminables journées, le procédé que son père, le citateur de Sénèque : SinguLas horas… lui eût conseillé. Il se mit, enfermé dans sa chambre, à étudier, à raison de trois grandes séances par jour, ce Timée de Platon qui figurait sur le programme de son agrégation et dont il s’était servi, pour se donner une contenance, durant cette pénible soirée du vendredi. Et les heures commencèrent de s’écouler, lentes et, malgré tout, tolérables. Le jeune homme était pris peu à peu, même dans ses préoccupations, par le charme de cette subtile et forte pensée. Parfois il était troublé jusqu’à la racine de son être, quand certaines phrases lui rendaient M. Ferrand présent, et, avec M. Ferrand, la douce Brigitte. Ainsi le célèbre morceau, où se trouvent symbolisés toute la grandeur, tout le bienfait des croyances traditionnelles : « Alors, dans ce temple de Saïs, entouré par le Nil, un des plus avancés en âge parmi les prêtres dit au voyageur : « Ô