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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/330

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L’ÉTAPE

parmi ces femmes, quelqu’une avait pu aimer réellement le jeune homme. Quelqu’une avait pu être mère par lui… Tout ce passé était aboli maintenant. En serait-il jamais ainsi de leur bonheur ? Viendrait-il un jour où une autre suivrait ces mêmes pavés pour aller à ce même endroit, — après elle ?… Quand elle fut au coin de la rue, devant la maison, elle s’arrêta une minute à regarder ces fenêtres du rez-de-chaussée dont les volets fermés auraient fait croire qu’il était abandonné. C’était une mesure de précaution que prenait toujours Adhémar. L’incertitude sur ce qui allait se passer derrière ces fenêtres closes fut si pénible à Julie qu’elle se précipita sous la voûte, presque en courant, pour ne plus attendre et savoir son sort. Le bruit du timbre, qu’elle pressa d’une main frémissante, lui retentit jusqu’au fond du cœur. La porte s’ouvrit… Adhémar était devant elle, qui se jeta dans les bras de son amant, et le serrant éperdument contre sa poitrine, elle poussa ce cri où se soulageait son agonie :

— « Ah ! Je te vois ! Je te tiens ! Je t’ai ! Enfin ! Enfin !… »

Et elle lui caressait le visage de ses doigts brûlants, comme pour se convaincre qu’elle ne rêvait pas ; que c’était bien lui. Elle l’étreignait pour appuyer sa bouche sur sa bouche ; elle se dégageait pour dévorer des yeux ce visage qui lui était si cher, et soudain, tandis qu’il lui disait, presque effrayé de son exaltation, en l’entraînant dans le petit salon : « Mais qu’y a-t-il, mon amour ? Et