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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/334

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L’ÉTAPE

une nouvelle demande qu’elle venait lui adresser. C’étaient des excuses qu’elle lui apportait, par un de ces scrupules de sentimentalisme dont elle était coutumière et qui plaisaient à sa fatuité en inquiétant sa prudence. Il fallait donc prendre cela légèrement. Ainsi fit-il en ajoutant à la grâce de son geste un rien de moquerie douce : « C’était trop naturel, et il faut être la sotte Julie pour attacher de l’importance à de pareilles misères ! »

Cette allusion à un petit sobriquet railleur qu’il lui donnait quelquefois par une de ces innocentes taquineries où se complaît la mignardise habituelle aux amants n’attira pas le sourire sur la bouche amère de la pauvre fille, qui dit gravement :

— « Ne plaisante pas. Tout est trop sérieux. J’ai tant besoin que tu m’estimes !… Il faut que tu sois bien persuadé d’abord qu’il t’a menti, abominablement menti. J’ai tout fait pour l’empêcher d’aller chez toi. Il voulait m’y envoyer moi-même ?… Tu sens bien que je ne te mens pas, moi ? Dis que tu le sens ! »

— « Mais oui, je le sens, » répondit-il, avec la condescendance que l’on a pour une enfant malade, et, comme il continuait à ne rien comprendre à l’état de fièvre où il la voyait, il lui donna un long baiser à son tour, qu’elle lui rendit avec passion, sans que son inexplicable inquiétude parût se calmer :

— « Ah ! merci, « dit-elle, « tu m’aimes !… Je crois que tu m’aimes ! … Cela me donne la force de continuer… Ma dépêche t’a annoncé que j’avais à