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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/335

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UN CŒUR DE JEUNE FILLE (suite)

t’apprendre des nouvelles très graves. La première, c’est que Jean a deviné, lui aussi, nos relations…

— « C’est à cause de cela qu’il m’a demandé un rendez-vous pour demain, » fit Rumesnil. Au nom de son ami d’enfance, sa physionomie avait changé. « Mais comment est-ce possible ? » insista-t-il … « Qui l’a averti ? Réponds, Julie. Ah ! si c’est toi qui… »

— « Et quand ce serait moi ? » interrompit la jeune fille. « Est-ce que ce secret n’est pas le mien plus encore que le tien ? Si tu as pour Jean tant d’affection, il fallait y penser plus tôt… » continua-t-elle avec une ironie singulière. Elle venait d’être blessée, malgré son angoisse, de lire distinctement dans le cœur de son amant que cette découverte possible de leur intrigue par son frère l’inquiétait, non pas pour elle, mais pour lui-même. « Tranquillise-toi, d’ailleurs. Jean a des soupçons, de grands soupçons. Il n’a pas de certitudes. C’est pour en avoir une qu’il veut te voir demain. Il te rendra d’abord les cinq mille francs Il les avait trouvés, avant qu’il ne sût la visite d’Antoine chez toi… Il faut que tu les acceptes de lui. Je le veux… Et il faut qu’il parte de chez toi rassuré. Il te dira que l’on a parlé de tes visites rue Claude-Bernard. Il te priera de les cesser… »

— « Je les cesserai… » répondit le jeune homme. « Si je t’ai froissée tout à l’heure, pardonne-moi. Il est tout naturel cependant que mon amitié pour ton frère subsiste à côté de mon amour pour toi… »

— « Tu les cesseras… » dit Julie, qui répéta :